mardi 5 juin 2007

la valeur de l'intelligence vécue comme un service et non comme un gargarisme.

A force de vouloir écrire, on a cessé d'agir.Terrible constat.

Soupir, parce que la VIE,cette réalité tellement ténue ce n'est pas du jeu de mot ni du gargarisme intellectuel pour natures narcissiques.

En traitant de Thermidor, un historien disait qu'on ne pouvait pas s'exempter d'étudier des évènements historiques sous prétexte qu'ils suscitent de la répugnance. C'est dans cet état d'esprit que nous allons devoir aborder maintenant le milieu select et huppé de cette caste d'individus qui se définissent eux mêmes comme des “intellectuels”. Nous y sommes forcés parce qu'ils sont les meilleurs représentants de l'idéologie dominante.

Si vous pensez naïvement que quiconque utilise son cerveau fait un travail intellectuel, jetez vos illusions aux oubliettes ! De nos jours, n'est pas intellectuel qui veut et tout le monde n'est pas autorisé à le faire savoir. Pour reprendre Coluche, il y a les milieux autorisés à penser et les autres ...De même qu'il y a des maçons, des ingénieurs, des électriciens, ou des instituteurs, il existe dans nos contrées des gens qui s'affichent très sérieusement sous le titre “d'intellectuels”, et croyez le ou non, ça ne fait rire personne ...

Mais d'abord, où trouver un intellectuel ? si vous en manquez dans votre entourage (peu probable toutefois au regard du nombre de névrotiques de la masturbation intellectuelle), allumez simplement la télé : vous aurez huit chances sur dix de tomber sur l'intellectuel en poste ce jour là, de ces intellos qui écument les plateaux télé et sont toujours disposés à faire étalage de leurs inépuisables ressources en solidarité et humanitarisme ,surtout lorsqu'il s'agit des ressources des autres.

Observez le bien alors votre “intellectuel multimédia du jour”, calé dans un fauteuil gagné à la sueur de sa langue, péter en direct sa dernière pensée creuse ou bien, la bouche pleine de solidarité, roter d'un air pensif le dernier renvoi d'humanitarisme gazeux qui lui titille le diaphragme : “Mr Bidule, vous êtes donc un intellectuel ...” lancera le présentateur homologué sur un ton compassé. Et l'autre, torse droit, yeux levés, air inspiré et sourcil en arrêt “voui” (qu'y répondra du bout des lèvres) et d'enchaîner en logorrhée mots creux, idéaux en soldes et vide pneumatique ...tout en songeant in pectore qu'il doit aller faire pisser son chien en rentrant le soir.

Entre deux renvois, l'intellectuel multimédia humanitaire (hum) et solidaire (hum hum ...) appellera avec passion à la mobilisation sur les grandes valeurs qu'il aura prises en bains de bouche dès le matin (contre ses aphtes) et d'un gargarisme à l'autre crachera en passant le laïus réglementaire sur la petite bourgeoisie prévu dans son script communicationnel. Petit florilège :

“Il est temps que notre mouvement abandonne ses positions petites-bourgeoises” : attention : la position de la bouche doit exprimer le mépris dans le jeu d'acteur ;

“Cette frilosité petite-bourgeoise est la marque d'un esprit rétrograde” : ici rehausser le mouvement de la bouche d'un ton professoral un peu marqué et décorer le discours de quelques mots kitsch comme “créatif”, “innovant” ou “imaginatif” ;

“Quelle absurde petite mentalité petite-bourgeoise”. Alors là c'est le KO final, mouvement de la bouche + ton professoral solennel + deux fois l'adjectif petit en marquant bien les explosives SVP : l'intellectuel humanitaire et solidaire vient de donner ce qu'il a de meilleur.

Ah Coluche et Guareschi comme vous nous manquez pour tirer le portrait à ces gens qui prétendent sans rire penser à notre place !

Ce qui me fait penser à une petite phrase de R.Barthes(puisse t -on encore affirmer qu'il eut de "petites" phrases!)au sujet des Intellectuels : "ils sont plutôt le déchet de la société, le déchet au sens strict, c'est-à-dire ce qui ne sert à rien, à moins qu'on ne les récupère"
Roland Barthes (1915 - 1980) - Le grain de la voix - Entretiens 1962-1980.