mardi 8 mai 2007

COURS LE LANGAGE : A...B....C...anagramme qui vise au but!

LE LANGAGE
Introduction
Le langage semble une des manifestations essentielles de la conscience humaine et ainsi une des conditions essentielles de la connaissance et de la pensée.
L'étymologie confirme d'ailleurs une telle interprétation, en effet le terme grec logos (qui a donné en français : logique) signifiait à la fois discours et raison, il s'agissait d'un discours ordonné, d'une parole raisonnée.






Pourquoi parlons-nous ?



Si nous parlons c'est non seulement pour nous exprimer mais aussi pour mieux nous représenter le monde et pour mieux le connaître, ainsi parler c'est d'abord nommer, c'est-à-dire distinguer les choses les unes par rapport aux autres pour en faire des objets de connaissances afin de produire un discours ordonné à leur sujet.









Mais parler c'est aussi pouvoir dire « JE », c'est-à-dire manifester la conscience de soi par laquelle se constitue le sujet connaissant et également le sujet social qui est ainsi en mesure de communiquer avec autrui.Le langage est donc ce pouvoir de signification par lequel le sujet est en mesure de se représenter sa relation au monde, voire même de le structurer par la pensée qui, nous le verrons, se constitue dans le langage. C'est toujours par et dans le langage que je puis établir un nouveau rapport au monde et rendre compte d'une situation nouvelle.Le langage apparaît donc comme le propre de l'homme dans la mesure où il lui permet de se réaliser comme conscience, comme être social et comme être doué de raison capable de connaître le monde.









Le propre de l'Homme ? Pourtant d'autres animaux manifestent des signes de langage!




On pourrait cependant critiquer cette affirmation en soulignant le fait que l'homme n'est pas le seul être vivant à s'exprimer à l'aide de sons ou de codes permettant la communication, l'animal semble lui aussi être en mesure de s'exprimer et de communiquer à l'aide de ce qui ressemble à un langage.Peut-on comparer les formes d'expression animale au langage humain ?





I Le problème du langage animal
Peut-on légitimement parler d'un langage animal ? En quoi les modes d'expression et de communication employés par les animaux diffèrent-ils du langage humain ?





1.Le caractère expressif du langage animal



L'animal qui crie, le chien qui aboie ou l'oiseau qui chante parle-t-il au même titre que l'homme ? Une opinion très répandue prétend que les animaux parlent, mais que le code qu'ils emploient nous est inconnu. Peut-on soutenir un tel point de vue sans parvenir à des incohérences ? Si les codes utilisés par les animaux pour s'exprimer et communiquer relevait d'un langage comparable à celui employé par l'homme en quoi serait-il plus difficile de communiquer avec eux que de le faire entre deux personnes ne parlant pas la même langue ? Or si précisément il nous est possible de comprendre les animaux (certains scientifiques sont actuellement en mesure de comprendre ce qu'exprime les dauphins ou les abeilles, par exemple, en utilisant certains codes naturels leur permettant de communiquer), l'inverse ne semble pas être possible, aucun animal ne semble avoir été jusqu'à présent en mesure de maîtriser pleinement une langue humaine au point d'en comprendre toutes les subtilités et de parvenir au degré d'abstraction rendue possible par celle-ci. La question se pose donc de savoir pourquoi il en est ainsi.
Dans un premier temps il convient de préciser que le « langage animal » est naturel à la différence du langage humain qui, lui, est conventionnel, ce qui explique comme nous le verrons ensuite que l'animal ne puisse produire du sens avec la même facilité que l'homme. D'autre part il est nécessaire de préciser que le « langage » de l'animal est principalement un moyen d'expression et de communication ne parvenant pas à atteindre ce pouvoir de représentation qui caractérise l'homme. Certes le langage humain lui aussi est expressif, et c'est peut-être d'ailleurs sa fonction première, mais l'homme est parvenu à dépasser cette fonction naturelle du langage pour en faire la source même du sens qu'il produit.Aussi peut-on considérer que si le « langage animal » est essentiellement expressif, le langage humain est quant à lui aussi et principalement représentatif.L'animal ne prend pas ses distances avec les sensations qu'il exprime, il ne les désigne pas par un nom ou un mot qui se réfère à un concept. Tandis que l'animal ne fait qu'exprimer ce qui est de l'ordre du sensible l'homme dépasse ce stade pour accéder à la construction et la signification d'une pensée abstraite.Il n'y a donc pas à proprement parler de langage animal comparable au langage humain, cependant il semblerait que certaines espèces disposent de possibilités plus nombreuses et plus riches que d'autres. Ainsi, par exemple le « langage » des abeilles paraît très élaborés puisqu'il permet de transmettre des informations à la fois très précises et très complexes.


2 L’exemple du langage des abeilles


La plupart de nos connaissances en ce domaine repose sur les travaux du zoologiste autrichien Karl Von Frisch (1886 - 1982)http://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_von_Frisch, selon cet auteur il existerait un procédé, un moyen de communication utilisé par les abeilles et permettant à celles-ci de communiquer en transmettant des informations liés à la satisfaction de leurs besoins vitaux et au bon fonctionnement de la ruche. Ainsi par leurs danses les abeilles se transmettent des indications et des informations quant à la présence de fleurs à butiner en précisant l'espèce, le lieu et la distance de ces dernières. La question se pose donc de savoir si ce code de communication peut être considéré comme un langage. Ce procédé offre-t-il les mêmes possibilités que le langage humain ? Une telle hypothèse laisserait supposer que le langage n'est qu'un moyen de communication ayant pour but de transmettre des informations purement pratique ce qui n'est peut-être pas le cas en ce qui concerne le langage humain qui nous le verrons offre d'autres possibilités beaucoup plus riches.



3 Les limites des codes de communication animale

Ce qui différencie tout d'abord un tel procédé de communication du langage humain c'est son caractère inné, et cela ce confirme par le fait qu'il est incapable de progresser ; dans le cadre de ses travaux K. V. Frisch a mis en évidence l'impossibilité du code de communication des abeilles à construire de nouvelles significations, de nouveaux signes pour rendre compte d'une situation inhabituelle. Ainsi si l'on place une coupelle d'eau sucrée au dessus d'un pilonne à une hauteur exceptionnelle relativement à ce que peut rencontrer une abeille dans la nature, et si une abeille exploratrice est mise en présence de cette source de nourriture, elle sera incapable une fois revenue dans la ruche de transmettre l'information à ses congénères. Elle se trouvera dans l'incapacité d'inventer les signes lui permettant de communiquer une information correspondant à une situation pour laquelle elle ne semble pas avoir été « programmée ».Il apparaît donc à la suite d'une telle réflexion qu'on ne puisse pas, à proprement parler, désigner les codes utilisés par les animaux pour communiquer de langage, on ne parle de « langage » animal que par analogie avec le langage humain. Il semblerait qu'en ce domaine la différence ne soit pas simplement de degré, mais aussi de nature.Le langage animal est limité aux besoins de l'espèce, c'est un langage naturel et inné, limité, sans histoire, incapable de progresser et de construire une pensée complexe, ce que permet le langage humain dont les structures plus riches permettent l'expression d'idées.Le langage humain est articulé et capable d'évolution. En tant que manifestation de la conscience il ne se réduit pas à un simple outil de communication, il est producteur, de représentation, de sens et de signification, produit de la culture humaine il est en grande partie conventionnel.Cette complexité du langage se manifeste dans sa double articulation en phonèmes et morphèmes. Le phonème désignant l'unité ultime de toute langue, unité non dotée de sens et se combinant avec d'autres pour constituer les morphèmes qui sont eux des unités signifiantes et pouvant se combiner de multiples façon afin de produire à chaque fois de nouvelles significations.(assemblage de lettres qui forme des sons différents). Une telle complexité laisse supposer que les langues humaines ne se sont pas constituées naturellement, ce qui pose le problème de l'origine des langues : comment de tel systèmes de signes ont-ils pu se constituer et se développer .



II Le problème de l'origine des langues

Cette question semble insoluble dans la mesure où aucune trace ne subsiste des premières langues parlées par les hommes et que l'on ne peut émettre à ce sujet que des conjectures plus ou moins probables.

Ce que fait J.J. Rousseau lorsqu'il suppose que le langage primitif n'était peut-être fait que de cris inarticulés et de gestes ou de bruits imitatifs. Selon Rousseau si la première langue existait encore on chanterait au lieu de parler, car la fonction du langage primitif était principalement expressive avant d'être représentative, le passage de l'expression de la sensibilité à la conceptualisation et à l'abstraction rationnelle ne peut-être que le fruit de notre corruption résultant des progrès de la vie sociale.



« Il est donc à croire que les besoins dictèrent les premiers gestes, et
que les passions arrachèrent les premières voix. En suivant avec ces
distinctions la trace des faits, peut-être faudrait-il raisonner sur l'origine
des langues tout autrement qu'on n'a fait jusqu'ici. Le génie des langues
orientales, les plus anciennes qui nous soient connues, dément absolument la
marche didactique qu'on imagine dans leur composition. Ces langues n'ont rien de
méthodique et de raisonné ; elles sont vives et figurées. On nous fait du
langage des premiers hommes des langues de géomètres, et nous voyons que ce
furent des langues de poètes. Cela dut être. On ne commença pas par raisonner,
mais par sentir. On prétend que les hommes inventèrent la parole pour exprimer
leurs besoins ; cette opinion me paraît insoutenable. L'effet naturel des
premiers besoins fut d'écarter les hommes et non de les rapprocher. Il le
fallait ainsi pour que l'espèce vînt à s'étendre, et que la terre se peuplât
promptement ; sans quoi le genre humain se fût entassé dans un coin du
monde, et tout le reste fût demeuré désert.De cela seul il suit avec évidence
que l'origine des langues n'est point due aux premiers besoins des hommes ; il
serait absurde que de la cause qui les écarte vînt le moyen qui les unit. D'où
peut donc venir cette origine ? Des besoins moraux, les passions. Toutes les
passions rapprochent les hommes que la nécessité de chercher à vivre force à se
fuir. Ce n'est ni la faim ni la soif, mais l'amour, la haine, la pitié, la
colère, qui leur ont arraché les premières voix. Les fruits ne se dérobent point
à nos mains, on peut s'en nourrir sans parler ; on poursuit en silence la
proie dont on veut se repaître : mais pour émouvoir un jeune coeur, pour
repousser un agresseur injuste, la nature dicte des accents, des cris, des
plaintes. Voilà les plus anciens mots inventés, et voilà pourquoi les premières
langues furent chantantes et passionnées avant d'être simples et méthodiques.
Tout ceci n'est pas vrai sans distinction ; mais j'y reviendrai
ci-après. «

J.J. Rousseau, Essai sur l'origine des langues, 1781.





JE RELIS LE TEXTE !

Comment est-on passé d'un langage expressif et symbolique à un langage de signes permettant l'élaboration du concept, cela reste en grande partie mystérieux.



Un autre problème se pose d'ailleurs à ce sujet : celui du rapport entre langage et société, l'un nécessitant l'autre il semble qu'ils se soient conjointement constitués et structurés pour aboutir à de plus en plus de complexité.Cette difficulté a conduit les linguistes modernes a aborder la question du langage d'une autre manière : les langues ne sont plus étudiées du point de vue de leur histoire, mais du point de vue de leurs structures, l'approche scientifique du langage et des langues privilégiera donc l'étude synchronique des langues à une étude diachronique.


diachronie
Caractère des faits linguistiques considérés du point de vue de leur évolution dans le temps ; succession de synchronies constituant l'histoire de telle ou telle langue.
Évolution dans le temps des faits sociaux, économiques, etc.

VOCABULAIRE :
Linguistique
: Science fondée par F; de Saussure et ayant pour objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-même. Diachronique : (à travers le temps). Il s'agit de l'étude historique de l'évolution des langues.
Synchronique
: Étude des structures générales de la langue considérée comme un système de signes. Son but est la définition des règles générales d'organisation constituant l'unité systématique d'une langue à un moment donné de son évolution.


III Les structures générales de la langue

L'un des premiers principes posé par la linguistique de F. de Saussure est celui de l'arbitraire du signe. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_de_Saussure


1 L’arbitraire du signe.


Ce principe pose comme admis la thèse selon laquelle les langues humaines sont purement culturelles et artificielles et qu'en conséquences les signes utilisés pour désigner les choses sont conventionnels et arbitraires.

Cette thèse n'a cependant pas toujours été admise, ainsi un penseur de l'antiquité comme Platon affirmait qu'il existait un rapport essentiel entre le mot et la chose. Dans un dialogue intitulé le Cratyle Platon oppose Hermogène qui affirme que le langage est affaire de conventions et Cratyle qui estime que les noms sont l'exacte représentation des choses. L'enjeu de ce débat n'est d'ailleurs pas sans intérêt pour nous, car au-delà du discours scientifique sur le langage il concerne les pouvoirs même du langage dans la mesure où Platon dirige le discours de Cratyle contre les sophistes qui défendaient une conception conventionnaliste de la langue et du langage afin de justifier l'usage qu'il en faisait - s'il n'y a aucun rapport entre le mot et la chose on peut n'importe quoi sur n'importe quoi - , or pour Platon il est impossible de penser cela dans la mesure où la dialectique suppose qu'un bon usage du langage permette d'accéder à la vérité.Cependant le cratylisme se trouve confronté à un obstacle difficilement surmontable : le fait de la diversité des langues. Certes cet obstacle n'en était pas un pour les grecs qui considéraient comme barbares tous ceux qui ne parlaient pas grec (ce qui est d'ailleurs le sens littéral du mot barbare).


La linguistique saussurienne va cependant confirmer la thèse conventionnaliste par l'étude synchronique du langage qui va poser l'arbitraire du signe comme principe. F. de Saussure dans son Cours de linguistique générale publié en 1916 va tenter de démontrer qu'il n'y a aucun lien essentiel entre le signe linguistique et le concept qu'il désigne. Ainsi, par exemple, le concept de cheval est sans rapport essentiel avec les sons qui composent le mot « cheval ».Le terme de « mot » n'est d'ailleurs pas le plus précis pour désigner les éléments constitutifs d'une langue et Saussure va préférer employer le terme de signe qui convient mieux selon lui que le terme de symbole pour exprimer le caractère conventionnel des langues. La notion de symbole suppose en effet un rapport d'analogie avec la chose désignée ce que ne sous-entend pas le terme de signe.
Définition du signe linguistique :
Le signe ne se réfère pas simplement au nom qui va désigner une chose, au son matériel et physique qui va désigner un objet particulier. Le signe est défini par Saussure comme l'union d'un concept et d'une image acoustique.


VOCABULAIRE :

Concept
: Il s'agit d'une représentation générale et abstraite (ex : le concept de vertu, de justice...) possédant une extension (ensemble des objets que cette représentation peut désigner) et une compréhension (ensemble des caractères constituant la définition de cette représentation).

Image acoustique
: L'image acoustique désigne l'empreinte psychique du son matériel qui évoque en nous le concept.
Le concept est dénommé en linguistique le signifié et l'image acoustique est le signifiant, l'union de ces deux termes est le signe linguistique, c'est précisément le lien entre le signifiant et le signifié qui selon F. de Saussure est arbitraire.Cela dit le caractère institutionnel des langues n'est pas pour autant remis en cause, caractère qui également concerne d'une certaine façon la parole elle-même dont l'usage ne repose pas sur des organes propres, mais sur des organes, qui même s'ils sont naturellement en mesure de remplir cette fonction ne sont que des organes empruntés au système respiratoire et digestif, ce que déjà Rousseau faisait remarquer dans l'Essai sur l'origine des langues :
« Il paroit encore par les mêmes observations que l'invention de l'art de communiquer nos idées dépend moins des organes qui nous servent à cette communication que d'une faculté propre à l'homme qui lui fait employer ses organes à cet usage, et qui si ceux-là lui manquoient lui en feroit employer d'autres à la même fin. Donnez à l'homme une organisation tout aussi grossière qu'il vous plaira : sans doute il acquerra moins d'idées ; mais pourvu seulement qu'il y ait entre lui et ses semblables quelque moyen de communication par lequel l'un puisse agir et l'autre sentir, ils parviendront à se communiquer enfin tout autant d'idées qu'ils en auront. »3
Les organes de la parole sont donc des organes d'emprunt que possèdent de nombreux animaux et que seuls nous utilisons à cette fin, l'invention du langage de sourds et muets montre d'ailleurs assez bien que lorsque ces organes ne conviennent pas ils peuvent être remplacés par d'autres.Si donc le langage est une faculté naturelle de l'homme, les moyens par lesquels cette fonction de signification est mise en oeuvre sont quant à eux conventionnels, institutionnels et culturels. Ces moyens sont la langue et la parole qu'il faut distinguer du langage.


2 Distinction entre langage, langue et parole.

Il convient tout d'abord de distinguer la langue du langage : la langue correspond à un système particulier de signes, il s'agit d'un produit social et culturel propre à une société donnée, c'est pourquoi il y a diversité de langues. Le langage se définit quant à lui comme une fonction beaucoup plus générale de signification, d'expression et de communication, le langage est une fonction universelle de l'humanité, l'homme se définit entre autre par cette faculté spécifique de pouvoir construire et exprimer verbalement sa pensée.
Le fait de parler et donc de mettre en oeuvre cette fonction qu'est le langage est d'ailleurs pour Descartes le signe indiscutable de la présence en nous d'une âme, ce qui fait notre différence d'avec l'animal :
« Enfin il n'y a aucune de nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux qui les examinent, que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, exceptées les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. »
Cela dit il convient également de distinguer la parole du langage, la parole se définissant comme l'acte individuel par lequel s'exerce la fonction générale du langage.Cette distinction entre une fonction générale de signification, d'expression et de communication et les moyens particuliers par lesquels elle s'exerce pose bien entendu le problème de la diversité des langues : ne serait-il pas souhaitable que pour mettre en oeuvre cette faculté universelle les hommes disposent d'un système de signes lui-même universel ?



3 Le problème de la diversité des langues.

Le projet d'une langue universelle est-il raisonnablement défendable ? La diversité des langues apparaissant comme un obstacle à la communication entre les hommes certains d'entre eux ont eu l'idée d'instaurer une langue universelle, c'est-à-dire une langue qui serait parler par tous les hommes. Un tel projet peut sembler séduisant, mais correspond-il vraiment à l'essence même des langues et du langage ?
Peut-il être considéré comme légitime et se justifier ?


Il suppose en effet que les langues sont de simples codes interchangeables dont la seule fonction est la communication. Leur diversité est donc superflue et représente un handicap. Mais cette conception des langues et du langage n'est-elle pas réductrice ?Les difficultés que l'on rencontre lorsque l'on traduit un texte d'une langue dans une autre ne mettent-elles pas en évidence la richesse spécifique de chaque langue particulière ?On a pu constater un rapport entre les structures d'une langue et la manière dont le peuple qui la pratique structure sa réalité quotidienne, ainsi les peuples vivant au pôle nord disposent d'un vocabulaire très riche pour désigner la glace, les berbères utilise plusieurs termes pour désigner les chameaux, le nombre des couleurs de l'arc-en-ciel n'est pas perçu de manière identique dans toutes les langues.Il est donc permis de penser que la langue est le reflet d'une culture, elle désigne les choses différemment selon les peuples et ainsi constitue une représentation du monde différente dans la mesure où signifiant et signifié s'unissent différemment pour former le signe linguistique. La question se pose donc de savoir si l'instauration d'une langue universelle ne consisterait pas en un appauvrissement des possibilités de la pensée plus qu'en un enrichissement, n'est-ce pas finalement limiter la richesse de la pensée humaine que de vouloir, à l'instar des dictateurs d'Oceania dans le roman 1984 de G. Orwell, instaurer une langue universelle.http://fr.wikipedia.org/wiki/1984_(roman)


D'autant qu'un tel projet est impossible dans la mesure où les langues évoluent et se transforment spontanément au cours de l'histoire des sociétés dans lesquelles elles sont parlées.De telles remarques nous conduisent donc à nous interroger nécessairement sur les rapports entre le langage et la pensée : le langage n'est-il qu'un moyen d'exprimer une pensée qui lui préexisterait ou est-il ce dans quoi et par quoi la pensée se constitue.


4 Le langage et la pensée.


1 Le langage n'est-il qu'un moyen d'exprimer la pensée ?

De cette conception du langage compris comme une fonction se manifestant à l'aide de ces systèmes particuliers de signes que sont les langues, quelles conclusions peut-on tirer au sujet du rapport entre le langage et la pensée ?L'opinion qui paraît la plus évidente est celle selon laquelle le langage serait un instrument permettant d'exprimer une pensée qui lui préexisterait. Mais en quoi consiste une telle pensée ? Nous pouvons certes imaginer sans faire appel immédiatement au langage, mais pouvons nous réellement comprendre le sens des images que nous formons sans recourir au langage ?Pour prendre conscience, décrire, analyser ces images que nous construisons ne faut-il pas déjà faire appel au langage ? En effet la pensée rationnelle, conceptuelle, qui vise le général peut-elle s'accomplir sans le langage ?Qu'est-ce qu'un concept si je ne le nomme pas et si je ne le définis pas avec des mots ?


Une représentation pour être vraiment générale doit être conçue au-delà de toutes image particulière, ce qui est le propre du passage du sensible à l'intelligible.


Exemple : Ainsi pour concevoir le concept de triangle je ne puis me satisfaire de l'image ou de la vision d'un triangle particulier. Il faut nécessairement pour que je puisse concevoir cette figure géométrique que je fasse appel au langage pour en donner une définition générale (« figure à 3 cotés dont la somme des angles est toujours égale à 180° »).De même le concept d'arbre ne désigne pas un arbre particulier, je ne puis former en mon esprit l'image d'un arbre en général, je ne puis le dessiner, ce n'est qu'en la nommant que je pourrais exprimer cette représentation générale.Pour construire un raisonnement il faut enchaîner des propositions construites à l'aide de mots ; et pour résoudre un problème quel qu'il soit il faut que j'analyse toutes les solutions possibles et que je les formule en mon esprit pour les examiner.

La pensée est comme l'écrit Platon un dialogue de l'âme avec elle-même :



« L'étranger : Eh bien, pensée et discours ne sont qu'une même chose, sauf que
le discours intérieur que l'âme tient en silence avec elle-même, a reçu le nom
spécial de pensée. »


La pensée humaine n'est donc pas préexistante au langage, la fonction du langage n'est pas seulement d'exprimer la pensée, mais de la construire, c'est dans et par le langage que nous pensons, la pensée exprimée par le langage est la seule véritable pensée qui soit, dire et penser semble être deux choses identiques, c'est la position que défend Hegel dans le texte que nous allons maintenant étudier.




2 Explication et commentaire d'un texte de Hegel.



« C'est dans les mots que nous pensons. Nous n'avons conscience de nos
pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective,
que nous les différencions de notre intériorité, et par suite, nous les marquons
d'une forme externe mais d'une forme qui contient aussi le caractère de
l'activité interne la plus haute. C'est le son articulé, le mot, qui seul nous
offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par
conséquent, vouloir penser sans les mots c'est une tentative insensée. (...) Et
il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut
de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il
est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'est l'ineffable. Mais c'est la une
opinion superficielle et sans fondement; car en réalité, l'ineffable, c'est la
pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire que
lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus
haute et la plus vraie. «



Georg Wilhelm Friedrich Hegel,



L'idée principale de ce texte consiste dans l'affirmation d'un lien essentiel et nécessaire entre le langage et la pensée. Il n'y a pas pour Hegel de véritable pensée hors du langage, la pensée qui ne parvient pas à s'exprimer par les mots est une pensée inachevée. L'expression verbale de la pensée constitue son achèvement, sa forme complète et définitive. Cependant le problème reste posé de savoir s'il n'y a pas une pensée au-delà du langage, car si la pensée conceptuelle ne peut se constituer hors des mots, n'y a t il pas une pensée non conceptuelle pouvant elle aussi accéder à la vérité ?Le premier moment de ce texte (de « C'est dans les mots... » à « ...la plus haute. »), nous présente le mot comme la matière de la pensée, nous pensons dans les mots comme le sculpteur sculpte dans la pierre, ce n'est pas avec les mots que nous pensons, ce qui laisserait supposer un rapport d'extériorité entre le mot et la pensée, mais en eux, ce qui signifie qu'il y a de la pensée dans le langage, que la pensée est intérieure aux mots. La pensée ne prend toute sa consistance que dans le langage et nous ne prenons conscience de nos pensées qu'en les exprimant verbalement. En les exprimant nous leur donnons « une forme objective », c'est-à-dire qu'elles s'extériorisent, nous les plaçons devant nous en leur donnant une consistance « matérielle ». Nous les différencions donc de notre intériorité, la pensée n'est plus une simple activité subjective de l'esprit renfermé sur lui-même, mais elle ne perd pas pour autant son caractère d'intériorité. L'expression verbale de la pensée est l'union de l'interne et de l'externe, la pensée devient à la fois subjective et objective, elle est présente en nous et hors de nous lorsque nous l'exprimons par des mots.C'est pourquoi le second moment du texte (de « C'est le son articulé... » à « ...qui lie celle-ci au mot. ») S’appuie sur cette union de l'interne et de l'externe qui caractérise la pensée conçue et exprimée dans et par le langage pour insister sur l'impossibilité de pouvoir penser hors du langage. Penser sans les mots est une tentative insensée car il n'y a de sens véritable que dans l'union, la liaison qui unit précisément l'interne et l'externe. Nous ne pouvons pas même nous exposer à nous-mêmes nos propres pensées si nous ne nous parlons à nous-mêmes. Sans cela ces pensées sont inexistantes, vouloir penser sans les mots c'est comme vouloir sculpter une statue sans jamais faire l'effort de tailler le bois ou la pierre.Aussi le troisième moment de ce texte (de « On croit ordinairement... » à « ...la plus haute et la plus vraie. ») va-t-il se présenter comme une remise en question du mythe de l'existence d'une pensée ineffable. Cette liaison de la pensée au mot n'est pas un désavantage, la pensée n'est pas amputée d'une partie de son contenu, il n'y a pas non plus de sens ou de signification qui échapperait au langage, parce que le mot est l'aboutissement de la pensée. L'ineffable : ce que l'on ne peut exprimer n'est pas le plus haut degré de la pensée, puisqu'il ne peut être formulé clairement c'est que l'on ne sait pas véritablement ce qu'il est. Pour Hegel tant que je ne peux nommer l'objet d'une pensée je ne peux véritablement le penser.Cependant un problème subsiste : si l'ineffable concerne une pensée inachevée ne faut-il pas le distinguer de l'indicible, ce que l'on peut penser sans le dire parce que l'objet de cette pensée dépasse la relativité de notre rapport à l'être et les déterminations purement humaine que nous attribuons aux choses par le langage ? Si l'ineffable concerne une pensée inachevée en deçà du langage, l'indicible ne concerne-t-il pas une pensée à laquelle nous pourrions accéder par le langage mais qui le dépasserait, une pensée au-delà du langage ? La question se pose aussi de savoir ce qu'exprime l'oeuvre d'art, est-ce une forme d'expression inférieure au concept ou est-ce l'expression d'une vérité que les mots ne pourraient exprimer ?

Conclusion :
Si donc il n'y a pas de pensée qui ne passe par le langage la question reste posée de savoir s'il n'y a pas un stade où la pensée après avoir traversé le terrain du langage (dia/logue) accéderait à un absolu au-delà des mots, l'être, voire l'au-delà de l'être, cet inexprimable, ce à propos de quoi le philosophe L. Wittgenstein écrit :



« Il y a assurément de l'inexprimable. Celui-ci se montre, il est l'élément
mystique. Ce dont on ne peut parler il faut le taire. »



Tractatus logico-philosophicus

Méthodo? Un petit exercice ? voir le commentaire du texte de Hegel( et pas de triche!)