mardi 8 mai 2007

Commentaire Le Langage :Besoin d'un petit entraînement? Explication et commentaire d'un texte de Hegel sur le Langage

Explication et commentaire d'un texte de Hegel.
« C'est dans les mots que nous pensons. Nous n'avons conscience de nos pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, et par suite, nous les marquons d'une forme externe mais d'une forme qui contient aussi le caractère de l'activité interne la plus haute. C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots c'est une tentative insensée. (...) Et il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'est l'ineffable. Mais c'est la une opinion superficielle et sans fondement; car en réalité, l'ineffable, c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. «


L'idée principale de ce texte consiste dans l'affirmation d'un lien essentiel et nécessaire entre le langage et la pensée. Il n'y a pas pour Hegel de véritable pensée hors du langage, la pensée qui ne parvient pas à s'exprimer par les mots est une pensée inachevée. L'expression verbale de la pensée constitue son achèvement, sa forme complète et définitive. Cependant le problème reste posé de savoir s'il n'y a pas une pensée au-delà du langage, car si la pensée conceptuelle ne peut se constituer hors des mots, n'y a t il pas une pensée non conceptuelle pouvant elle aussi accéder à la vérité ?Le premier moment de ce texte (de « C'est dans les mots... » à « ...la plus haute. »), nous présente le mot comme la matière de la pensée, nous pensons dans les mots comme le sculpteur sculpte dans la pierre, ce n'est pas avec les mots que nous pensons, ce qui laisserait supposer un rapport d'extériorité entre le mot et la pensée, mais en eux, ce qui signifie qu'il y a de la pensée dans le langage, que la pensée est intérieure aux mots. La pensée ne prend toute sa consistance que dans le langage et nous ne prenons conscience de nos pensées qu'en les exprimant verbalement. En les exprimant nous leur donnons « une forme objective », c'est-à-dire qu'elles s'extériorisent, nous les plaçons devant nous en leur donnant une consistance « matérielle ». Nous les différencions donc de notre intériorité, la pensée n'est plus une simple activité subjective de l'esprit renfermé sur lui-même, mais elle ne perd pas pour autant son caractère d'intériorité. L'expression verbale de la pensée est l'union de l'interne et de l'externe, la pensée devient à la fois subjective et objective, elle est présente en nous et hors de nous lorsque nous l'exprimons par des mots.C'est pourquoi le second moment du texte (de « C'est le son articulé... » à « ...qui lie celle-ci au mot. ») S’appuie sur cette union de l'interne et de l'externe qui caractérise la pensée conçue et exprimée dans et par le langage pour insister sur l'impossibilité de pouvoir penser hors du langage. Penser sans les mots est une tentative insensée car il n'y a de sens véritable que dans l'union, la liaison qui unit précisément l'interne et l'externe. Nous ne pouvons pas même nous exposer à nous-mêmes nos propres pensées si nous ne nous parlons à nous-mêmes. Sans cela ces pensées sont inexistantes, vouloir penser sans les mots c'est comme vouloir sculpter une statue sans jamais faire l'effort de tailler le bois ou la pierre.Aussi le troisième moment de ce texte (de « On croit ordinairement... » à « ...la plus haute et la plus vraie. ») va-t-il se présenter comme une remise en question du mythe de l'existence d'une pensée ineffable. Cette liaison de la pensée au mot n'est pas un désavantage, la pensée n'est pas amputée d'une partie de son contenu, il n'y a pas non plus de sens ou de signification qui échapperait au langage, parce que le mot est l'aboutissement de la pensée. L'ineffable : ce que l'on ne peut exprimer n'est pas le plus haut degré de la pensée, puisqu'il ne peut être formulé clairement c'est que l'on ne sait pas véritablement ce qu'il est. Pour Hegel tant que je ne peux nommer l'objet d'une pensée je ne peux véritablement le penser.Cependant un problème subsiste : si l'ineffable concerne une pensée inachevée ne faut-il pas le distinguer de l'indicible, ce que l'on peut penser sans le dire parce que l'objet de cette pensée dépasse la relativité de notre rapport à l'être et les déterminations purement humaine que nous attribuons aux choses par le langage ? Si l'ineffable concerne une pensée inachevée en deçà du langage, l'indicible ne concerne-t-il pas une pensée à laquelle nous pourrions accéder par le langage mais qui le dépasserait, une pensée au-delà du langage ? La question se pose aussi de savoir ce qu'exprime l'oeuvre d'art, est-ce une forme d'expression inférieure au concept ou est-ce l'expression d'une vérité que les mots ne pourraient exprimer ?